Le sujet la Me Box, est le rejet. J’ai essayé d’exprimer mon sentiment de rejet à travers le temps dans ma vie et en particulier dans les interactions avec ma famille. J’avais eu une première idée, visuellement plus violente, ou je voulais m’effacer en griffonnant par-dessus les “moi” dans mes photos d’archives. Puis j’ai eu l’idée de me soustraire, me séparer des événements de chaque image et me suspendre à l’envers au-dessus de ma vie familiale.
Ce travail a été développé par instinct. Je sentais un besoin viscéral de faire un projet qui impliquait que je m’enlève / m’efface de mes photos de famille. Évidemment, ce projet n’a pas débuté avec cette intention précise. Il fait plutôt partie d’une suite de réflexions inspirées de mon processus de guérison psychologique entamé il y a maintenant plus d’un an. Cette oeuvre en particulier se rattache donc à mes préoccupations pour la santé mentale. J’explore donc encore le thème de la psychologie sur le plan personnel, mais j’aspire à parler du lien entre les troubles psychologiques individuels et le bon fonctionnement en société à travers le temps et l’histoire. Aussi il est l’aboutissement de toutes les réflexions et expérimentations que j’ai fait durant la session.
Mon approche est toujours très instinctive, tellement que je peux rapidement changer d’idée si mon gut feeling ne suit plus (comme ce fut le cas de ce projet-ci où j’ai complètement changé mon dispositif une semaine avant la remise). J’aime beaucoup l’expression “chaos créatif”, je crois qu’elle exprime bien comment je fonctionne (bien malgré moi!). Mes travaux sont toujours très conceptuels. La forme doit exprimer mon sentiment et je passe beaucoup de temps dans la contemplation pour la faire émerger.
Comme dans la plupart de mes projets, j’aime encourager la curiosité, la découverte progressive, et l’observation. Mes méthodes sont toujours très similaires : dans le noir, avec une source lumineuse pour créer une ambiance hors du temps, mais aussi un espace de réflexion et de méditation. Ici, la source lumineuse provient du dessous, et baigne l'espace dans une lumière très diffuse qui m’a rappelé les “Projection pieces” de James Turrel. J’ai aussi choisi une programmation où la lumière change du blanc (neutre et tranquille), au vert (dégout), au jaune et orange (chaleureux, affectueux) au rouge (colérique), représentant pour moi toute la gamme d’émotions qui peut me traverser très rapidement dans des situations familiales. L’installation sur le socle aussi était importante puisque je voulais que l’on puisse voir par-dessus, mais aussi que l’on soit incité à regarder dans les trous.
J’ai choisi de ligoter et suspendre à l’envers les “moi” découpés, parce que je ne me suis pas retiré complètement (dans la vie) de ma famille, j’en fais toujours partie. C’était donc important pour moi de ne pas m’effacer complètement. En faire partie, mais pas comme les autres. "À l’envers", fait aussi référence à ce sentiment de toujours être à contre-courant. Ligoté parce que je me sens prise au piège. Lequel? Je ne sais pas, je n’ai pas encore toutes les réponses pour expliquer mes choix. J’aurais voulu que les ficelles soient plus longues pour ne pas voir la plaque d’où elles tombaient. Dans mon idéal, elles sortiraient directement du plafond.
*Crédit des photos : Amély Thérien-Tremblay
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